Le billet de Jean Pierre 20/05/10

Publié le par philippe

20 mai 2010

Ce soir la rue Archinard s’ouvre mollement. Je reviens juste de voyage dans les embruns d’une Méditerranée aux lenteurs accablantes d’un ferry essoufflé. L’ambiance est générale, je confirme. A Archi jeu on a sorti des quilles. Les amateurs de passage jettent sans conviction la boule sur le pavé. Au Verre à Soi on se sert un petit café, on attend on ne sait pas quoi, une atmosphère, peut-être. Les gens boudent. Parce que le moi de mai boude. Il a boudé tout le temps. Pas chaleureux. Alors, tandis que les inconditionnels se font la balance d’une oreille distraite, un type arrive avec un drôle d’engin, entre la guitare et le cithare. Lui, il a une bonne vingtaine de cordes à ajuster à son chatourangi qui se gratte avec des griffes félines et délicates. On commence à s’inquiéter, surtout les rockers.
Les autres s’assoient autour de lui et cherchent des gratouillis discrets sur leurs manches. Un autre trouve des tambours indiens et tente d’accorder, puis laisse choir. C’est alors que le chatourangiste leur annonce qu’il ne peut jouer qu’en ré. Un instant de désarroi se lit sur les figures, mais chacun prend la chose avec philosophie. De fils en aiguilles, avec des pincettes et des petits coups, comme ça, une musique apparaît d’on ne sait où. Au bout d’un moment on se retrouve dans un bain tiède, tous fils de soie déroulés, tranquillement. Comme quoi le blues et le jazz, le rock et les autres sont capables de s’entendre, et plutôt bien, en toutes circonstances. Quelques évocations parfumées flottent légèrement, sans insister. Ici on n’est pas des gros souliers. Ça joue avec politesse et subtilité, avec des appels du rythme, des invitations mélodiques. La musique devrait sauver le monde. Même si certains bouillent un peu, depuis le déluge de ce moi de mai on a appris la patience. De beaux moments d’harmonie parfaite. Le mai fait la gueule, Bouddha suspend son râle. La soirée va se dérouler sans surprise majeure dans cette douce ambiance qui me rappelle un peu « le salon de musique », un veux film culte de Satyajit Ray, dans les années 50, puis je rentre me coucher dans le satin en regardant partir l’éléphant du vieux zamindar au soleil couchant. Au Verre à Soi il n’y a pas une soirée comme les autres. Ça dépend du temps, et de la façon de bouder.

Jean-Pierre treille

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