scène ouverte 12 juin 2010 "Soirée notoire" Jean Pierre Treille

Publié le par philippe

 
Au fond de la salle j’entends des gras qui se sont isolés  C’est Théo à l’accordéon et Sam tamtamant. Un essai modeste de manouche déjanté. Je prends note, tandis que d’autres arrivent avec leurs valises. C’est fou ce que les musiciens voyagent.
 
Puis un grand monsieur en costume se décide à faire une halte devant le Verre à Soi. C’est Pap’ avec sa basse et sa dégaine sénégalaise. Il fait du Jazz tout couleurs, comme il dit. Ça coule comme l’eau après la pluie. Mais comme les autres, au bord de l’hypnose, ne veulent pas se laisser envoûter, ça vire folklore breton en afro celte, à cause du violon de Laurent et ses airs marins qui viennent du fond du ciel. Faut pas chercher à comprendre.
 
Une autre tentative de blues allume un jeu de jambes cajun. Et puis Higelin entre en scène sans crier gare. Philippe connaît les paroles, ça tombe bien, c’est lui qui nous la fait, et il s’en sort pas mal (Paris Newyork). Content de lui, il nous fait Mick Jagger en prime. Sur cet élan, les instruments nous bricolent une bourrée, carrément. Enigmatique. Comment un tel truc peut arriver ?. Avec eux, ça pourrait tourner même au sublime, sauf que tout le monde rigole. Alors on n’en parle plus.
Pour faire diversion, Laurent extirpe de son répertoire la musiques bien connue qui ouvrait l’émission sur les films muets qu’on regardait à la télé, dans les années cinquante. La séquence du spectateur, je crois. Tout au long des jeudis sans fin, j’allais chez ma grand mère pour voir ça, juste avant Rintintin.
 
On peut dire que les gars ont bossé, ce soir. Echanges de rires, d’épices, de manies, de slaping ou de motifs comme ça. La culture musicale s’est notoirement diversifiée, comme disent les journalistes à court de clichés (ça arrive).
D’ailleurs ce soir tout le monde est notoire. Patrick, le voisin anglais, scientifique notoire lui aussi, à apporté des saucisses succulentes faites maison. Ça met les gens à l’aise, si ce fut nécessaire. L’ambiance bon enfant est propice à diverses tentatives de la part de quelques jeunes encore intimidés par tous ces vieux musicos aguerris, rôdés, râpés jusqu’à la chemise.
 
Dominique Tavernier est venu voir si sa vielo-harpe suédoise pouvait s’immiscer dans l’affaire. On a été surpris de sa présence sonore. Mais le folklore a déjà foutu le camp par les fenêtres. La rêverie musicale s’est envagué vers des contrés erratiques, des terres inconnues. Petit à petit se dessine une jolie impro jazz, avec violon, piano, basse, batterie à balais. J’ai dû sommeiller, légèrement, car je relève les oreilles sur une bossa-nova tout douceur. Ils étaient huit dans les huit mètres carré de la salle, en rond sur les coussins, sur les baffles et les amplis. Le public, nombreux, a dû se rabattre dans les coins.
Dehors la nuit faisait comme une lagune. La douceur de juin fait marcher les agences de voyage, c’est notoire.
 

Jean-Pierre Treille

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