Le billet de Jean Pierre (concert NLS crew, 13/11/10)

Publié le par philippe

samedi 13 novembre 2010

 

On m’a piqué mon voltaire, mon assise, mon statut, ma stature, ma position, mon repaire du quel je pouvais contempler le monde. Un rappeur a débarqué au Verre à Soi, bousculé mes petites habitudes. Le Jeune Lupin est venu me turlupiner.

Ça commence par un dialogue avec ses guitaristes, en Rapp mineur – cool. Mais l’air s’échauffe bien vite en un manège infernal.

La scansion du Rapp est particulière, appuyée sur les rimes que le rappeur balance, d’un geste de la main, comme s’il jouait aux cartes ou à la boxe. Le reste du texte est moins audible, comme s’il ne servait qu’à légitimer le dernier mot. Chaque consonne est dure, durcie par le marteau du Rapp.

Collection de mots forts, de mots destructeurs, de mots colère, de mots désespoir, de mots lancés comme des coups de rasoir. Danse macabre d’un rêve défunt. Provocation d’un désespoir qui se saoule de lui-même. On entend quelques références à Rimbaud. Mais c’est pas lui, ce dégueuloir de mots devenus clichés à force d’être crachés. Abîme d’un texte auto-détruit, ostensibles jusqu’à la routine, amour vitriolé entre diamant et béton. Voilà que je m’y mets, moi aussi !

On pourrait se dire : « quand est-ce qu’ils vont passer à autre chose ? » Mais le Rapp est devenu un genre, une posture, un logo de jaquette.

Pourtant, chez LJL, il y a une recherche certaine, une culture visiblement étendue, un recul philosophique, et ça commence à m’intéresser. Il est clair qu’avec ses guitaristes il tente de musicaliser sa mélopée. Voilà qui est original par rapport aux soupes commerciale dans lesquelles sont tombés nombre de rappeurs trop naïfs, ou trop contents de ramasser du fric. La revanche tue le combat. Mieux, LJL est capable d’improviser, même si c’est pas facile.

Un mot. Un mot que je n’avais jamais entendu chez les rappeurs. Un mot qui se détache du reste comme une erreur de casting : Mélancolie. Peut-être le seul mot à mon sens véritablement sincère. La mélancolie comme un germe de pensée au milieu du charnier des colères.

Continue, Lupin. Mais fais gaffe au succès, il est mortel.

 

Jpierre Treille

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