De la nidification du musicien (02/11/10)

Le musicien est un animal social commun et pourtant assez mal connu. Beaucoup de bêtises ont été proférées à son encontre. Et c’est bien dommage, car il suffit de l’observer, notamment lors de sa nidification, pour voir ( et entendre ) à quel point cet animal est étonnant.

Comment observer sa nidification ? Il suffit de se promener certains soirs dans la forêt urbaine et bien tenir ses sens en éveil. Pas le moment de dormir. En effet, le musicien fait son nid à la tombée du jour, et en des endroits où il a des chances de rencontrer des partenaires. Tout comme la boussole que l’on pense incrustée dans ses plumes, et qui lui donne cette impressionnante capacité d’orientation, le musicien possède également un instinct du foyer des plus originaux. On l’a souvent confondu avec la chauve souris, parce qu’il fait son nid dans des grottes. Mais la comparaison s’arrête là. Le musicien a besoin de protection, certes, mais aussi de lumière. Il choisit ce que les scientifiques appellent le théâtre de nidification, un endroit caverneux mais néanmoins très bien éclairé. Ensuite on peut le voir s’activer à faire son nid, choisissant les plus beaux rameaux et les plus beaux ramages qu’il accumule et arrange autour de lui, dans un mouvement incessant du corps, et des rameaux qu’il tisse longuement avec ses doigts, jusqu’à ce que se forme un espace musical ( c'est le terme consacré ) . Certains nidifient en solitaires, mais la plupart bâtissent leur nid avec d’autres. Car le musicien est très sensible à la présence de ses congénères avec lesquels il tente de s’accorder dans une rythmique particulière, de lente à frénétique, selon les affinités et selon ses capacités mimétiques. Cette attitude fait que nombre d’observateurs l’ont souvent confondu avec le coucou. C’est pour cette raison que le musicien chante tout en arrangeant son nid, en prenant bien soin de ne pas être pris pour un parasite, même s’il aime bien se faire passer pour un autre. Contrairement aux oiseaux de mauvaise réputation, le musicien chante très tôt, avant même d’avoir terminé son œuvre. C’est le chant augural. Il espère trouver un partenaire ( tous sexes confondus, et dieu sait combien il y en a ! ) autant par son ramage que par son rameau. Ce qui se passe ensuite est très difficile à décrire. Enfin, pour finir, les observateurs les plus patients ont pu constater que les musiciens abandonnent leur nid dès potron-minet. De récentes études ont montrer qu’ils sont capables d’avoir de nombreux nids dispersés dans un territoire parfois assez vaste, et qu’il ne les abandonnent pas totalement, pratiquant des tournées plus ou moins régulières. Le musicien est un animal volage mais néanmoins fidèle. Dernière recommandation : profitez de vos observations autant que vous le désirez, car le musicien n’est pas effarouché par la présence des randonneurs. Au contraire.

Jean-Pierre Treille